Pourquoi la critique ?


Bienvenue dans le monde de la critique d’art génération 2.0. Loin d’être prétentieux ou pernicieux, notre site internet doit être compris comme une boîte à questions en réaction à une exposition vue dans une galerie ou un musée, au travail de tel artiste peu ou prou connu, ou à tout ce qui est relatif à la sphère de l’art aujourd’hui. La présente rubrique Touche critique aspire plus particulièrement à décrire avec audace et naïveté ce que nous avons le droit d’interroger dans l’art contemporain en ayant l’espoir d’en tirer un peu de hauteur.

Qu’évoque la critique ?

A sa mention, il n’est pas rare de voir les sourcils se froncer et d’entendre sortir de bouches crispées : « c’est facile de critiquer ! ». D’une manière unanime, la critique n’a pas bonne presse. Facilement étiquetée au rang de jugement de valeur, ne servant qu’à relever les défauts, les imperfections ou à piquer les susceptibilités, sa connotation négative fausse son acceptation. Pourtant, son étymologie provenant du verbe grec « krinein » signifiant « discerner », « trier » (1) ne révèle pas cet aspect dommageable volontiers imputé de nos jours.

Autre constat, lorsque la critique se rattache à un domaine ciblé, comme celui de la littérature, du cinéma ou de l’art, elle prend une nouvelle dimension : elle s’intellectualise. Devenant difficilement compréhensible, elle semble réservée à une élite composée d’experts en la matière. S’y frotter sans être dûment armé, c’est risquer d’être discrédité. 

La critique est morte, vive la critique !

Critiquer l’art ne devrait pas être un préjudice ou réservé à une catégorie de personne, bien au contraire, critiquer devrait être encouragé, nécessaire, indispensable. Plus que jamais, notre génération biberonnée aux médias relayés massivement en temps réel et aux flux sans fins des réseaux sociaux doit prendre le temps de se poser pour digérer ce qu’elle avale à chaque seconde. Notre e-volution est un fait, il faut apprendre à vivre avec pour ne pas la subir. Dans ce flot d’informations, savoir trier, discerner, distinguer, comprendre, démêler le vrai du faux est une lutte contre la « lobotomisation » de notre société, celle qui nous empêche de penser par nous-mêmes. 

En cela, la critique, lorsqu’elle est honnête et perspicace, incarne une force et une œuvre de l’esprit. Cette habileté se révèle en tant que le résultat d’une réaction : face à une situation, un objet ou un contexte naissent des idées. Savoir les exprimer et les objectiver est déjà une étape constitutive de la critique. Parfois, il n’est pas toujours aisé de mettre un mot sur une banalité, un sentiment ou une constatation. Et la critique va plus loin encore ! Elle soulève des détails comme des généralités, permettant commodément de lever le voile sur des notions obscures, de les identifier pour ensuite en proposer des interprétations nouvelles, insolites, inattendues, insoupçonnées déclenchant des remises en cause ou des effets sur nous-mêmes. Car oui, la critique n’est pas qu’un regard sur l’autre, la critique est avant tout un regard sur soi. La manière et la façon de regarder est plus révélatrice que le résultat. La critique est la mathématique de la pensée : ce qui importe est comment arriver à la somme d’une opération et non pas la solution toute donnée.   

La critique désintéressée est la plus intéressante

Pour critiquer, il faut essayer d’être honnête. Chaque propos doit être libre, délibéré de ce qui « doit être » ou ne « doit pas » selon quelconque tendance définie, dégagé de motifs cachés comme les buts commerciaux, de propagandes ou encore de volontés égocentriques comme celles de plaire, d’être reconnu, de faire la pluie et le beau temps. Il faut également avoir l’honnêteté de se dire qu’être absolument honnête intellectuellement est utopique dans le domaine de l’art : les goûts et les couleurs influent sur chacun de nous, car est-ce utile de le rappeler, nous sommes des êtres sensibles. La droiture intellectuelle ne doit donc pas être celle d’une intransigeance caricaturale mais plutôt une façon de s’auto-cadrer pour ne pas se mentir à soi-même et tomber dans l’égocentrisme ou la subjectivité irrationnelle. Ainsi, décrire ses émotions face à une peinture découle d’une certaine subjectivité qu’il convient toutefois de ne pas dramatiser pour plutôt chercher à comprendre pourquoi elle est vecteur d’émoi.  

L’art de critiquer l’art

Mais alors comment critiquer l’art contemporain ? Il n’existe pas de recette à suivre pour critiquer un domaine qui est déjà lui-même complexe à définir, mais pour arriver à une critique, il paraît déjà opportun de commencer à décrire ce que nous voyons. Une œuvre doit pouvoir se voir sans être vue grâce au pouvoir des mots, comme si nous devions en faire l’exposé à un aveugle. Cette première étape est fondamentale en ce qu’elle constitue un travail d’observation et de réflexion ouvrant ensuite sur une analyse plus poussée en replaçant l’œuvre dans son contexte et selon la volonté de son créateur. Les comparaisons et les métaphores deviennent alors des outils fortement utiles pour toujours se repérer et procéder logiquement à des rapprochements ou des divergences, et par conséquent tirer des questions, des remarques ou des conclusions construites. Le débat peut alors s’ouvrir sur l’à-propos et la pertinence de ce nous voyons. 

Dès lors, l’enjeu de Jeunes Critiques d’art reste à écrire, à s’épanouir et s’aiguiser dans le temps. «  C’est en critiquant, qu’on devient critique » pourrions-nous conclure. Et gardons toujours à l’esprit, que nous avons humblement vocation à confronter les regards pour mieux les ouvrir !

Anne-Laure Peressin

(1)     : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/critique/187226

Anne-Laure Peressin
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There are 0 comments on this post
  1. octobre 24, 2016, 10:31

    Merci pour votre article très bien argumenté.
    Personnellement j’aimerai bien qu’un jour, un critique d’art fasse une critique de mon travail ! Le vrai soucis pour un artiste est: 1) de savoir si ses œuvres seraient bien ou mal perçues par les critiques d’art, 2) de se faire connaitre du milieu professionnel parmi les milliers d’artistes existants… et là ce n’est pas simple. Est-ce que le réseau professionnel du critique d’art pourrait permettre de faire découvrir un artiste ? Cela doit dépendre de l’audience du critique. Si oui alors je serai très heureux d’exister dans son réseau… Cordialement

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