Ti punch à Julien Creuzet — Les Crabes dessinent sous les Palais des rhizomes si fous et les p’tites Tortues s’y noircissent à la marée ô fouggère amphigourique où le lieu est notre mondialisation qui est une Mangrove totale — R.I.P Ti Bal


L’artiste antillais Julien Creuzet présente un ensemble d’œuvres illustrant son poème-titre « les lumières […] » ce printemps au Palais de Tokyo jusqu’au 12 mai 2019. Ce texte ci-dessous est une lettre à l’artiste, écrite par un critique d’art et sa chère amie la Fourmie, tous deux antillais, des West Indies. Cette lettre est un pastiche, elle est elle-même une créolisation d’ancien français, de langue créole et personnelle, à l’image de l’exposition de Julien Creuzet.

C’est une littoralité que je vois (par littoralité entendons : « ce qui se rapporte au littoral comme image poétique ») dans ton œuvre où drivent les déchets usinés crachés par les Eaux. Poïésis, au confluent de tout, et qui nage au confluent de tout, poétique à rajouter au rang des poétiques antillaises. Ton installation est une totalité éclatée – où les coins disent le tout – que l’on ne peut pas englober mais seulement rêver.

Estran, lieu qui fait écran aux disciplines, zone où les crabes-palétuviers cartographient sous sol des cyclones de mots.

Les Bateaux négriers ont rivé  (La Pinta, Black Pearl, Clotilda) et ont créolisé. Depuis, ces têtes que tu filmes dans ta vidéo Flashlight Headlight nous sont étrangères. Malgré tes appels têtus,
saurais-tu
un jour de méprise
trouver les langues autrefois apprises
puis tombées des branches de pays,
coulées dans les palmes des palétuviers gris ou dans les mangles des migrations ?

Tu rejoues là la même coupure césairienne
où bâille ce même sang chaud brûlant nos larmes qui n’ont que faire de leur masculinité à t’arracher la peau. Nos larmes bleues-de-mer de mangoustes.
Et ces littoraux où
même le sable est migrant qui interroge,
qui hante nos « rêves-noirs » d’où nous crions : « Nou pa sav, nou pa konet ».

« En froissant la tumeur tropical » – une Éruption propage des images papillonites,
les skulptures se déploient en – ferrailles flottées, étoffes chirées, vitres ocellées et signées comme Zorro – formant des vidéoptères et des imagoptères ou bien n’est-ce pas là le même spécial-man se changeant comme sorcière-urubu dans cet espace cylvique où le temps ne semble plus suivre ses heurettes. Alors, tantôt en l’un, tantôt en l’autre, tantôt en haudioptère contatrice funambule masqué wu tang etc., la skulpture phantastica nous survole, nous banlieusards solaires, de son Crix d’un âge inconnue de Disney et des Louvres. Les vaisseaux fantômes : La Nina, La Pinta, Le Hollandais volant et leurs séquelles de découvreurs découpeurs sont greffées à cheval sur l’équateur des Ondes à jamais au large comme des Totems pleurants/rempart/shōji. Ainsi leurs imitateurs vénaux sont sommés d’écumer un autre ailleurs – donc En Marche arrière ! l’Inde n’est point là, l’Asie non plus & l’Afrique est hors de portée. Certains naufragés malades l’ont manquée, d’autres cupides l’ont chassée mais ont échoué à la capturer ou à l’apprivoiser (c’est qu’elle est maligne la Bête) pourtant les Robins de l’île da Pinta ne l’ont pas ratée (quelques ailes démâtées lui donne l’air plus rebelle) ; Puis le Souffle El Niño s’ébroua et tous crevèrent fossilisés tandis que les skulptures filaient avecque des foules d’indigènes (pas tous) à tire d’ailes-surpeuplées et depuis les Stranges géologiques solfiaient, quelles qu’elles soient, des histoires ensevelies de bras squelettes-néonicotines entre autres herbicides ;

Le Rhizophora stylosa où tramait déjà la pensée rhizome.

En dedans de ton exposition je vois : des gyrophares volés montés sur des sculptures en verre en fer suspendues au plafond, soutenues par de grands fils électriques noirs et oranges.

Une collection Panini des générations se confectionne par les papillons et pigeons strangulants les fleurs au chœur de ce temps CRIstallisé
par une espèce de Fièvre d’Herbe sonnante – création d’une translation de langue en langue
d’un kô originaire comme Square cerné de bois-canons gougés en Tapouzinwolffudheogeli
afin de saper les Schibboleths de contrebande des drogués de souches à la noix.

Connais-tu : Serge Hélénon et Louis Laouchez autrefois pris dans les mêmes problèmes que nous ?

En prairial de l’an X (juin 1802), le Général de division Toussaint Louverture, durant son retrait au Cap-Haïtien, reçu une lettre du Général de division Brunet, lui demandant « cher général », dit-il, une entrevue au plus vite. Le 18 du même mois, Louverture fut capturé et maintenu prisonnier à vie par Brunet et sa clique. Depuis cette fameuse Lettre du prairial est nommée « la red tenebrosa » (le filet ténébreux) ; notez la couleur « rouge » en anglais traluisant le « filet » aux couleurs espagnoles.

2009 : Ce soir où des coups de feu ricanaient à la face de notre nuit COLONIALE. Plus de calme torpeur mais la rhapsodie de la Guadeloupe-même-même-même que nous entendions. Un syndicaliste, ‘chiré cette nuit-là à Pointe-à-Pitre tué par des corps et des esprits en-drogués. Les jours d’après, une grande masse  marchait sous le soleil, criant : « la Gwadloup sé tan nou, la gwadloup a pa ta yo ! ». Nous alternons entre cris et paroles.

Maintenant dans l’Agora, un gars songe… Ti Bal en train de cendrer son ganjah sous la Treille bourgeonnante et l’ayant donné commission de nourrir d’henricus les motmotdiés… Le chemin était périlleux – il fallait éviter des cales fiches de souris Maousses déguisés en poubelles – et avec ça, à mon retour, Ti Bal avait disparu… au fond d’une machine-tempête… dans un monde de danseurs-sans-tête sur la place blan à ciel ouvert… sur la place blan de vendeurs à la sauvette de cafézénégalais de garette Maleboro de caddimaïchaumaïchaud… Arrh le plomb de chien d’asévépés a délavé le ciel où un OVNI s’est transmorphé en Lèvre merveilleuse chantant au rythme d’un poco funk doux brazil. Ça tourne, chambre ténébreuse, mon crâne c’est un gueuloir sans fenêtre mon onagre nuit bleu s’y meut puis renaît dans un même plan-séquence… quand je siège le poème au vue de mon soûl… de ma mémoire pourrie de mon cerveau vaseux de ma caboche ceint d’un mask de verre (imago) je n’ai plus de cheveux plus de racines d’un sommeil cancéreux car le baume du cuir brouille la déchirure du foyer précis d’un rêvoir d’arsenal de cerfs-volant… Or le pied lui avait glissé dans l’urine… pour un foutu test ADN… fût-il un signe adamique !

Tes œuvres sont de sargasses
cagasses
carcasses qui pêle-mêle
massent des bouteilles de lambis, des filets de centimes de clopes. Nous enten’ littoraux et  coraux pleurer de douleur de doigts coupés sous les grappes de notre modernité qui compose en machines en aciers qui sont aujourd’hui vié oncles, en Nickiiiiii Minaj et en micro-nanotechnologies. Nos mers ne crionent plus leur musique mais celle des claquements de nos boîtes de conserves. Nulle tragédie pour autant (Oh non… ), mais la nécessaire (je pense) entrée en translation.

Nous Afros et Américains zonons la mangrove – avec ses mystères, ses mancenilliers et ses palétuviers, son sable doux et ses algues, ses puanteurs et son sel – et naviguons nos rêveries. Où atterrir ? Ici. Dans ce dé-lire. Métisse de langages-recyclables  dans les râles des cervelles des pneumatophores où le crabe à barbe pique une tête royale et luxueuse
où le guarani est sel à la commissure de nos
lèvres.

Et nos enjaillements…

 

(À partir de nos mythes à nous. De nos chansons pop, de nos films despis, de nos cultures technologiques, se trame de nouveaux sujets et  de nouvelles collectivités. Hölderlin, nous entendons, il nous faut des mythologies philosophiques et des philosophies mythologiques. )

(please understand our creolized languages, results of this world-man groove.)

 

SKRRRT !

Tenez ! Ce Black Label que nous re-buvons pour vos palais…

 

Par,

La Fourmie et Chris Cyrille

 

L’art de l’installation fait ainsi jouer une nature métaphorique, instable des images. Celles-ci circulent entre le monde de l’art et celui de l’imagerie. Elle sont interrompues, fragmentées, recomposées par une poétique du mot d’esprit qui cherche à instaurer entre ces éléments instables des différences nouvelles de potentiel.

Jacques Rancière.
Pour indice : page 34 (vous trouverez peut-être la citation dans l’un de ses livres.
Bonne fouille.)

 

Informations pratiques :

Julien Creuzet, les lumières affaiblies des étoiles lointaines les lumières à LED des gyrophares se complaisent, lampadaire braise brûle les ailes, sacrifice fou du papillon de lumière, fantôme crépusculaire d’avant la naissance du monde (…) c’est l’étrange, j’ai dû partir trop longtemps le lointain, mon chez moi est dans mes rêves-noirs c’est l’étrange, des mots étranglés dans la noyade, j’ai hurlé seul dans l’eau, ma fièvre (…)

Du 20 février au 12 mai 2019

Palais de Tokyo, Paris

 

Image à la Une : Julien Creuzet, Gasoline, fires of god wandering, courtesy de l’artiste et de la Document Gallery (Chicago).

 

 

 

 

Chris cyrille
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