Quentin Derouet – Encore un geste d’amour


Il est des œuvres qui vous laissent bouche-bée, muet, comme si le silence était utile pour les approcher.

Les œuvres de Quentin Derouet font partie de celles-ci. Ce n’est pas un silence inquiétant, mais une douce sérénité, une impression d’infini. Que nous étions seuls. Que nous étions bien.

Cet artiste né en 1988 est sorti diplômé de la Villa Arson en 2012 avec les félicitations du Jury et le prix de la ville de Nice. Passé un temps par la performance, Quentin Derouet s’oriente vers la peinture avec pour outil, la rose. Ce choix ne s’est pas imposé à lui comme une contrainte, un chemin cathartique vers la création, mais comme la joie simple d’avoir trouvé une voix avec laquelle dire le monde.

Yiliang II – rose et rose brulée sur papier, 108.5 x 78.5 cm, 2017

En 2014, il collabore avec l’artiste Fabrice Hyber et le créateur de roses Meilland à l’élaboration d’une nouvelle variété contenant un haut degré de pigmentation.

À bout de souffle, la rose. Tantôt amoureuse, résistante, fasciste, ou kitsch, « une figure symbolique tellement chargée de significations qu’elle finit par n’en avoir plus aucune ou presque » nous dit Umberto Eco.  Elle est cet emblème fatigué par tant de filtres entre elle et nous, et l’artiste s’emploie à la décharger de sa puissance allégorique pour mieux la dévoiler, et retrouver le plan d’églantier, souche première du rosier, caché derrière des millénaires d’hybridation. Dépasser le sujet pour toucher l’universel.

Dans la série des Traits de rose, Quentin Derouet écrase un bouton de fleur sur la toile laissée vierge. Il fait trace et écrit le vers unique d’un poème sans mots, archaïque et essentiel. Loin d’une gestuelle lyrique, c’est une mélodie douce et amoureuse qui se joue ici. Rien n’est caché, tout est offert avec pudeur au regardeur.

Murmurons l’aveu – rose sur toile, 97 x 130 cm, 2016

L’artiste brûle, écrase, fait macérer et détremper tout ce qui fait la rose en différents états, et compose une peinture vibrante faite de rythmes sourds. Les coulures sont autant de larmes et de jets pourpres célébrant la vie et la peinture, dessinant la cartographie d’un imaginaire infini.

Les gestes premiers qui accompagnent la création des toiles explorent toutes les possibilités d’un support, et font écho aux peintures rupestres ainsi qu’à celles de Cy Twombly. Certaines œuvres sont composées de bribes de toiles traitées différemment et cousues entre elles comme autant de sutures réparant ces corps épuisés.

C’est la mer allée – rose, rose brulée, rose macérée sur toile, 97 x 130 cm, 2016

Érotisme et sacré se mêlent dans la série des Sainte Thérèse dessinées au charbon de rose, reflets d’un amour consumé. La série des Larmes d’Éros est une référence au dernier ouvrage éponyme de Georges Bataille dans lequel il situe sa pensée entre la mort et l’érotisme. Érotisme, Éros, anagramme de rose…

Lorsqu’il se déploie dans l’espace, le travail de Quentin Derouet prend comme support les murs et les choses qui l’entourent. Il fait trace, encore, afin de montrer la porosité qui existe entre son art et la vie. Les frontières sont abolies pour faire résonner sa peinture-poésie loin, fort.

Encore un geste d’amour (Marseillan – Plage), Photographie, tirage lambda 1/5, 2017

Un jour le temps viendra où la rose passera. Du rouge, au violet, les traits s’oxyderont jusqu’au noir, dans un siècle au moins. Le temps se sédimentera, lentement, sur les pores de la toile pour créer de nouveaux rythmes, de nouvelles danses.

 

Léo Panico-Djoued

Quentin Derouet vit et travaille entre Paris et Nice

Dernières expositions:

2017 Galerie Artcn, Shanghai, Chine
2016 Vivre ou Mourir, duo show Sol Lewitt – Quentin Derouet, Galerie Helenbeck, Nice
2016 Rouge, Violet, Noir, Villa Cameline, Nice

 

Léo Panico-Djoued
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