Alfredo Aceto – Galerie Bugada & Cargnel


Pour la première fois, la Galerie Bugada & Cargnel accueille une exposition d’Alfredo Aceto,  « Everyone Stands Alone at the Heart of the Wordl, Pierced by a Ray of Sunlight, and Suddenly, It’s Evening »

On entre dans cette exposition à pas feutrés, comme on pénétrerait dans la tour de contrôle de l’artiste. Le temps s’est arrêté au seuil de la galerie, et c’est justement le temps qui intéresse cet artiste Turinois de 25 ans, temps dont il interroge la linéarité.

Des photogravures sur plaques de zinc présentent des vues de la ville de Pripyat (Re-Mental Landscapes, I, II, III, IV), sujet fondateur et obsessionnel de son œuvre, Pripyat, ville ukrainienne désertée après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, où ses ouvriers vivaient. Après son abandon, la nature reprit ses droits, faisant surgir un nouveau paysage, On y voit des bâtiments rongés par le temps, qui sont moins le support d’un photos-reportage que le terreau fertile d’une rêverie vagabonde.

Ces images sans vie mais desquelles émanent les vestiges d’une humanité détruite évoquent un temps suspendu, post cataclysmique. Elles sont placées à côté de Pripyat, une horloge percée de deux balles de fusil, reprenant l’anecdote chère à Walter Benjamin selon laquelle les révolutionnaires français tiraient sur les horloges afin de faire cesser le continuum de l’Histoire. Ce rapport intime au temps s’égrène dans la plupart des œuvres présentées et invite le visiteur à s’immerger dans le paysage mental d’Aceto.

La galerie présente également l’agrandissement d’une statuette de la civilisation des Cucuteni-Trypillia qui se développa à la fin du néolithique dans un espace comprenant l’actuelle Ukraine et Roumanie. Surnommée Le Penseur, elle figure un homme accroupi, la tête entre ses mains. Aceto rapproche les dessins de cette civilisation à ceux de son père, 4000 ans  plus tard, jouant avec le passé collectif dans lequel infuse le subjectif et s’intéresse à ce qui a été, ce qui n’est plus mais se rejoue perpétuellement.

L’espace est conçu comme un dispositif scénique, avec au sol une moquette orange qui à la fois déréalise l’espace et lui apporte harmonie et cohérence. Des trépieds lumineux éclairent les œuvres à la tombée du jour. Le caractère évolutif de l’exposition au fil de la journée rend son expérience unique pour chaque visiteur. On ressent la proximité d’Aceto avec le théâtre, dans la mise en scène notamment, mais aussi avec S.L.A.V. 1, peinture reprenant en trompe-l’œil la façade de la galerie turinoise où l’artiste fit sa première exposition, qui présentait des collages inspirés de Pripyat. Il peint cette façade, mais aux dimensions de la porte d’entrée de la galerie Bugada et Cargnel, une superposition spatiale et mentale qui abolit là encore toute notion de temporalité. De même avec Loyal sauce B.C- Noisy Whitish A.D, une toile en PVC de couleur bronze, qui mêle à la fois un matériau ultra contemporain au bronze, référence à la période suivant celle de Cucuteni-Trypillia et pourrait être la synthèse de l’exposition. D’ailleurs, le nom de l’œuvre est un heureux détournement du système de datation des civilisations passées. Enfin, les longues bandes de PVC entrent en résonnance avec les grandes verrières de la galerie, permettant une symbiose entre le lieu d’exposition et les œuvres.

Alfredo Aceto invite à repenser notre vision de l’histoire et notre rapport aux objets comme trace du passé, chargés d’une densité émotionnelle propre à chacun, à travers son œuvre poétique et mélancolique où tout se répond, et qui parlera  à tous les visiteurs.

Léo Panico-Djoued

 

 

 

Alfredo Aceto
« Everyone Stands Alone at The Heart of the Wordl, Pierced by a ray of sunlight, and Suddenly, It’s Evening »
Jusqu’au 9 avril 2016
Galerie Bugada & Cargnel
7-9 rue de l’équerre 75019 Paris
http://www.bugadacargnel.com/fr 

 

 

Léo Panico-Djoued
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