Jean-Luc Verna- MAC VAL


« Vous n’êtes pas un peu beaucoup maquillé ? – Non », est le nom de la rétrospective consacrée à Jean Luc Verna, au MAC VAL. Ce titre se veut d’emblée comme un pied de nez aux conventions et pose le corps comme la source du travail de l’artiste. 

Ce corps sculpté et tatoué d’où sort une voix fluette est celui de Verna. Un sas sombre et brillant propose une respiration avant d’entrer dans l’immense salle d’exposition. Lumière tamisée et bande-son inquiétante plongent le visiteur dans l’ambiance nocturne d’une étrange clairière.

La nuit, tous les chats sont gris, sauf Verna, sphinx à paillettes aux influences multiples, d’un classicisme ténu dans ses dessins animaliers aussi réalistes que vaporeux, à ses objets détournés, ayant tous un rapport direct au corps (de la baguette magique-point américain au cock-ring biblique).

Les papiers couleur chair déjà usés par le temps accueillent des dessins qui, pour beaucoup, sont des relectures des grands maîtres qui l’ont inspiré (Praxitèle, Michel-Ange, Véronèse), créant ici une faune peuplée d’êtres hybrides, d’oiseaux, et de madones empruntes d’une religiosité toute païenne, comme par exemple les dessins de Siouxsie Sioux ou de Diamanda Galàs, deux chanteuses oscillant entre rock et gothique, figurées en vierges fardées. Car Verna applique à ses œuvres ce qu’il s’applique à lui-même, en les rehaussant de maquillages, saints-suaires 2.0, reflets de ce qui reste quand il n’y a plus rien. Présentée en bandeau, cette foule silencieuse cerne l’espace d’exposition, et insiste sur le rôle de colonne vertébrale que joue le dessin dans la pratique de l’artiste

Dans ses vidéos, Verna se travestit volontiers, incarnant tour à tour une maitresse sado-masochiste, tous les protagonistes d’Eyes Wide Shut de Kubrick, ou encore une pop girl des années 90, toujours dans une esthétique résolument camp (1), rappelant les vidéos d’une certaine Divine, comédienne et chanteuse drag-queen des années 70-80 qui abusait outrageusement et délicieusement de faux cils et de sequins. Son travail fait ressurgir ce proverbe de la renaissance, serio ludere, qui attache celui qui le prononce à trouver dans chaque situation sérieuse la légèreté qui incombe à toute action humaine, et au contraire à chercher dans chaque chose d’apparence cocasse un sens profond, voire grave. Car cette dérision n’est pas gratuite, et la féminité vue sous le prisme de l’imitation, ou même de la singerie, est un pas de côté pour mieux voir.

La série Paramour est constituée de grands tondi reprenant le célèbre logo de la Paramount, ses étoiles et sa montagne surplombant les nuages. Paramour, Puramour, Padamour, il décline le sigle de l’usine à rêve et de son arrière-plan au fil de sa vie sentimentale, tantôt volcan bouillonnant, tantôt montagne cornue enneigée. Ils sont des portraits-paysages changeant au gré des vicissitudes de l’amour.

Jean-Luc Verna crée des passerelles entre les médiums, une approche en arborescence du dessin se déployant partout ensuite, et envisage le corps comme image mouvante. Il propose en cela une certaine poétique de l’art en une expérience filée sur plus de trente ans. Ce corps qu’il nous faut appréhender, habiter, accepter, et parfois aussi pardonner, c’est en acteur masqué de Kabuki que Jean-Luc Verna nous y invite. Ce qui nous lie et qui fait de cette exposition une réussite, c’est cette réflexion sur ce rapport universel au corps qui se joue dans une incarnation propre à chacun.

Léo Panico-Djoued

(1) Susan Sontag théorise en 1968 dans son article “Notes on Camp”  le style camp comme étant fondamentalement ennemi du naturel, porté vers l’artifice et l’exagération. La jouissance “d’en faire trop”.

Image à la une: Jean-Luc Verna (avec François Sagat) “Apollon et Daphnée “ 1625, marbre, 2014 *Roadie tentant d’attraper une fan grimpée sur la scène. Tirage numérique. Courtesy Jean-Luc Verna.

 

« Jean-Luc Verna
— Vous n’êtes pas un peu beaucoup maquillé ?
— Non
Rétrospective »
Mac Val, exposition du 22 octobre 2016 au 26 février 2017
Site internet du Mac Val: http://www.macval.fr/francais/expositions-temporaires/jean-luc-verna-retrospective/

 

 

Léo Panico-Djoued
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