“FAIRE LE MUR” – MUSEE DES ARTS DECORATIFS


            « Faire le mur » est le bon mot choisi pour titre de l’une des expositions qui se tient actuellement au musée des Arts décoratifs à Paris. En effet, à entendre littéralement, il résume assez bien la fonction première du papier peint qui est l’objet unique sur lequel elle se fonde. Grâce à la collection exceptionnelle du musée composée de 400 000 pièces, la plus importante au monde, Véronique De La Hougue, conservatrice en chef du département des papiers peints, et Philippe Renaud, scénographe et décorateur, proposent de dévoiler à travers 300 pièces emblématiques un large échantillonnage de variétés de décors et de techniques utilisées depuis le XVIIIe siècle à nos jours. S’adressant à tous les publics, l’exposition tente ainsi de montrer tout l’intérêt et le poids du papier peint dans l’histoire des arts décoratifs, mais également de souligner en plus du rôle ornemental perceptible par tous, l’invitation aux voyages et à la rêverie qu’il renferme. Pour se faire, le visiteur est guidé à travers six thèmes auxquels correspondant autant de salles. Organisés tantôt par rapprochement des styles de motifs représentés, tantôt par leur époque de production, ces fragments de décors se confrontent, les uns accolés aux autres. Malgré cet effort de mise en scène, le visiteur néophyte comme le connaisseur percevra-t-il toute la subtilité des couleurs et la richesse des sujets que revêtent ces décors ? Le prendra-t-il réellement comme un outil d’architecture reflétant un mode de vie ? Comprendra-t-il enfin que ces papiers peints uniques révèlent une part de l’atmosphère intime des demeures dans lesquelles ils pouvaient prendre place ?

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            La première pièce se nomme « Anoblir le mur » et fait le pont entre les premiers motifs des papiers peints produits par les manufactures royales Arthur et Grenard ou Reveillon autour des années 1780 et leurs reprises « Art Déco » par le Corbusier ou encore Francis Jourdain, jusqu’aux réappropriations contemporaines par Timorous Beasties ou le Studio Job. A l’entrée de la pièce est accroché un texte expliquant l’idée qui a guidé à la réunion de ces décors. Une fois entré, le visiteur pourra voir sur trois murs les décors disposés les uns à côté des autres, parfois sous vitrine. La disposition est guidée par l’analogie et la reprise des motifs, sans prendre égard à leur chronologie de production. Sur un des murs, le splendide papier peint de Gran Blocht Damask créée en 2015 est disposé en toile de fonds sur lesquels sont disposés des fragments de lés où trônent arabesques et autres motifs répétitifs inventés dans les années 1780-1795. Aucun cartel n’est disposé à côté des fragments puisque toutes les informations sont regroupées sur une plaquette mise à disposition à l’entrée de la salle. Le visiteur est alors libre de contempler la virtuosité et l’ingéniosité des reprises des pilastres et autres candélabres, pourtant typique de la décoration des intérieurs du XVIIIe siècle.

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             Cette exposition souligne à travers les fragments exposées l’invitation à la rêverie et au voyage que peuvent évoquer les papiers peints, notamment à travers les motifs floraux ou en utilisant des éléments faisant appel à l’imaginaire du lointain tantôt orientalisant tantôt exotique.

« Réinventer les murs » est la seconde pièce de l’exposition. Elle s’attarde plus à montrer le réemploi depuis la fin du XXe siècle jusqu’aujourd’hui, d’un style illustrant particulièrement les créations de l’entre-deux guerres. Les vases, les guirlandes ou encore les paysages évocateurs d’exotisme sont géométrisés et de couleurs vives. L’utilisation des peintures métallisées est bien mise en valeur par les jeux d’éclairages et permet de rendre compte de la délicatesse et du caractère artistique que peuvent renfermer les papiers peints.

 Plus loin, une autre salle nommée « Inspirer le mur » appelle au voyage à domicile grâce à une série de papiers-peints dévoilant des motifs plus abstraits et de style plus divers issue de l’architecture d’extrême orient comme les productions de Dauptain au XIXe siècle ou Fornasetti et Groult au XXe siècle. D’autres éléments évoquent des atmosphères plus exotiques grâce aux dessins de feuillages imaginaires peuplés d’animaux rares. Le fragment du papier peint panoramique conçu par manufacture Desfossé et Karth au XIXe siècle est exposé en toile de fond sur tout la surface d’un mur et permet réellement de transposer le visiteur dans une jungle paradisiaque.

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             Un deuxième pan de l’exposition tente de révéler au spectateur les capacités du papier peint à servir de véritable de trompe-l’œil réaliste.

Un premier corpus traduit le rôle d’instrument d’illusion du papier peint devant faire oublier la frontière entre les environs de l’architecture extérieure et l’intérieur des demeures. Des motifs floraux ou des représentations diverses de vue d’un ciel de toutes les époques sont présentées. Cette salle comprend cependant peu de pièces contemporaines.

 Plus loin le thème de l’illusion se poursuit. Le papier agit alors comme un trompe-l’œil qui aboli tout repère spatial à l’intérieur de la pièce. Deux inspirations se font face. D’une part, le papier peint reconstitue des éléments de décorations comme des drapés de rideaux évoquant la présence de grandes verrières imaginaires illustrant plutôt les productions du XIXe siècle, ou comme l’illusion particulièrement réaliste d’une porte ornée produite par la Maison Martin Margiela en 2010. D’autre part, des réalisations de toutes les époques usent des motifs de matériaux de constructions dénudés de tout artifice, laissant croire à des murs de briques ou de pierres de taille.

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             En résonance avec les premiers décors exposés, cette exposition se clôt par une ouverture sur le futur de cet art décoratif. Sont dévoilées de nouvelles pistes de motifs et techniques qui ont vu le jour depuis la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à nos jours et qui tentent de renouveler cet art à travers un vocabulaire graphique proche des images collectives reflétant les modes de vie de notre société.

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             Cette exposition permet sans conteste de prendre conscience de la richesse des possibilités des techniques artistiques qu’offre le papier peint. Cependant, l’effort pédagogique n’est pas abouti. Un parcours où les thématiques se seraient suivies d’une salle à l’autre aurait peut-être été préférable au vu du peu d’information et d’indication qui était laissé au visiteur. Ainsi, on se retrouve un peu trop livré à soi-même et à la force, notamment à cause de la profusion des fragments, l’œil sature et l’attention se perd. L’exposition se destine plutôt à un public amateur qu’à des néophytes qui risquent d’être gagnés par la passivité au fur et à mesure de la découverte des nouvelles pièces pourtant exceptionnelles.

Victoria Le Boloc’h-Salama 

@Maisongenevieve

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Image à la une : Down the rabbit hole, The new Domestic landscapes, Domestic, Paris, 2008-2009,  photo de Victoria Le Boloc’h-Salama

“FAIRE LE MUR”

DU 21 JANVIER AU 12 JUIN 2016

MUSEE DES ARTS DECORATIFS 

107 RUE DE RIVOLI 75001 PARIS 

HTTP://WWW.LESARTSDECORATIFS.FR

Victoria Le Boloc'h-Salama
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There are 0 comments on this post
  1. Denys Prache
    mars 02, 2018, 11:56

    Vous écrivez “malgré cet effort de mise en scène”. Eh oui, il eut mieux valu écarter tout effort car le résultat a été, à mes yeux, catastrophique ! Un aussi beau sujet aussi mal traité ! Je vous invite, si vous ne l’avez déjà fait, à feuilleter la monographie que j’ai écrite de “Joseph Dufour, génie des papiers peints”. Vous aurez alors peut-être envie de faire le mur autrement.
    Denys Prache

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