Hans Op de Beeck, Saisir le silence – CENTQUATRE
Du 22 octobre au 31 décembre 2016, le CENTQUATRE accueille l’exposition monographique « Saisir le silence » de l’artiste flamand Hans Op de Beeck. Artiste pluridisciplinaire maniant aussi bien le dessin que l’aquarelle, la sculpture, l’installation, la vidéo, les films d’animations, le théâtre, il nous entraine dans ses univers oniriques immersifs.
L’exposition se vit comme une déambulation entre les cinq salles investies par Hans Op de Beeck. Chacune s’apparente à un monde parallèle, dans lequel nous pénétrons en écartant l’épais rideau noir qui en barre l’entrée. Une fois passé le seuil, le temps semble suspendu. La couleur parait avoir déserté ces œuvres tout comme toute forme de présence humaine. Assis silencieusement, nous nous laissons bercer par les trois installations et deux vidéos qui sont offertes à notre contemplation. Chacune des installations se présente comme un décor de studio de cinéma ou comme une scène de théâtre, que les acteurs ne rejoindront jamais. Mises en musique, elles suscitent une attente chez le spectateur, tantôt calme, tantôt enjouée, tantôt inquiétante. Mais rien ne vient troubler le repos de ces lieux. Seule notre imagination en rédigera les intrigues.
Maitre dans l’art de l’Illusion, Hans Op de Beeck se produit tel un magicien. Mais bien que nous révélant ses tours, ne nous cachant rien des artifices à l’origine de l’œuvre, il préserve intact le rêve dans lequel il nous plonge. Plus nous avançons et plus la frontière entre fiction et réalité semble ténue. Dans sa vidéo Staging Silence (2) de 2013, ses mains façonnent sous nos yeux les paysages. Sucre, coton, bouteilles d’eau, carton se métamorphosent. Le cadrage et le point de vue sont les principaux alliés de ce trompe-l’œil, dans un travail quasi photographique. Illusion photographique que l’on retrouve dans Night Time (extended) de 2015, où des aquarelles, autrefois statiques, se libèrent de leurs chaines. L’artiste les anime, leur offrant même des personnages (les seuls de tous les travaux présentés). Mais ces derniers demeurent inaccessibles, de par leurs yeux clos ou leur visage inapparent, tous deux supports essentiels de l’identité. Chez Hans Op de Beeck, l’illusion repose dans la part artisanale de son œuvre et l’efficacité visuelle qui en découle. Ses environnements ne pourraient être constitués d’objets manufacturés : « L’objet comme représentation silencieuse et non-utilisable me semblera toujours plus intéressant que de montrer l’objet lui-même. »[1] Produire un facsimilé, c’est redonner à l’objet du quotidien une attention et une sacralité : « Mouler un objet, le sculpter, le fabriquer, c’est transformer l’ordinaire en extraordinaire. »
Car c’est bien sur les objets et le monde qui nous entourent qu’Hans Op de Beeck nous invite à méditer. Dans l’installation The Lounge de 2014, nous devenons des archéologues du futur, découvrant les restes figés de notre société contemporaine, tel un nouveau Pompéï. Canettes, paquet de cigarettes, téléphone portable, gobelet de fast-food semblent recouverts d’une couche de cendre opaque. Ils apparaissent alors comme les derniers témoins d’une civilisation disparue. Dans la lignée des grands maitres flamands, tel Peter Claesz, Hans Op de Beeck réinvestit et nous livre une adaptation moderne des Vanités. Mais ce regard aux allures pessimistes se veut porteur d’espoir : « Montrer le tragique, lui faire face, permet d’aboutir à une catharsis, à un état qui apporte la consolation et regain d’optimisme. » Ces mondes sombres et mélancoliques sont pour l’artiste un moyen d’offrir aux spectateurs à la fois paix et tranquillité, fournissant un cadre idéal à l’introspection. Et ainsi, de saisir le silence.
Pauline Schweitzer
[1] Entretien d’Hans Op de Beeck, propos recueillis par Pascaline Vallée, septembre 2016. Communiqué de l’exposition « Saisir le Silence », CENTQUATRE.
Image à la une : Hans Op de Beeck, Staging Silence (2), Vidéo, 20’48”, 2013. Noir et Blanc, sonore, vidéo Full HD transférée sur Blu-Ray Disc, © Studio Hans Op de Beeck, Courtesy Galleria Continua, San Gimignano / Beijing / Les Moulins / Habana.