Inès Di Folco, couleur+voix
J’ai découvert le travail d’Inès Di Folco lors de sa première exposition personnelle à la galerie SISSI club, à Marseille. Il m’a immédiatement bouleversé.
Dans Ce que je fais sous la mer (2020), comme dans les accrochages qui ont suivi – art-o-rama 2022 est le dernier en date, de grandes toiles libres côtoient de petits tableaux mais aussi, parfois, de la musique, du tissu et des fleurs. Les premières sont habitées de personnages, majoritairement féminins, souvent issus de son cercle familial et amical, gardiennes d’un récit dans lequel nous, spectateur-rices, débarquons. Souvenir, évocation d’un monde intérieur ou invocation, nous ne saurions dire ce que nous interrompons si ce n’est le fragment d’un moment intime où des secrets, peut-être, se transmettent. A leur côté, les toiles enchâssées au format modeste sont comme des icônes peuplant l’espace d’exposition. Ces peintures sont inspirées des portraits du Fayoum, de petits portraits funéraires sur bois datant de l’Egypte romaine (Ier – IVème siècle) et représentant lae défunt-e qu’ils accompagnent. Peints après la mort du sujet, les traits transcrivent la description que leurs proches font d’elleux, agrégats de souvenirs et de fantasmes. Inès Di Folco en reprend le format, parfois le matériau et la figure ; celle-ci n’est pourtant plus seule, accueillant d’autres personnages, des paysages ou encore une nuit épaisse et colorée.
Ainsi, ses œuvres sont pleines du temps qui passe. De celui que l’artiste prend en amont de la création pour enquêter, collecter et documenter au gré de ses voyages et lectures. De celui de l’archive, base importante de son travail et qu’elle constitue en accumulant photographies, textes et sons. De celui pris à nouer des relations, terreau des nombreuses collaborations qu’elle met en place : avec Elena Valtcheva, artiste avec laquelle elle travaille autour du quotidien pré-révolutionnaire Diario de Cuba ; avec ses deux groupes de musique, l’un de rock, Rose Mercie et l’autre de soul, Pira Pora ; avec The Funambulist ou Sendb00ks pour lesquels elle crée des illustrations. Mais aussi, et surtout, de celui, presque palpable, que l’on sent lorsqu’on regarde ses toiles. C’est que les personnages, symboles et végétaux qui les occupent le convoquent au travers des mémoires individuelles et collectives qu’iels incarnent. Inès Di Folco matérialise, grâce à ses coups de pinceau, de nombreuses micro-histoires, dont on ne peut savoir si elles sont réelles ou imaginaires, mais qui sont pourtant empreintes de toute la pesanteur d’un temps qui refuse que nous les oublions.
pour en savoir plus :
https://sissi-club.com/ines-difolco/
Pira Pora : https://open.spotify.com/artist/26TeTqxzTc9Kdv72NV4UNM?si=AXycxO0GTg-pOqE0hyVbkA