QUADRATURE, LES SENS DE L’UNIVERS


 

De fines barres métalliques reposent, horizontales, sur de petits corps en laiton. Elles sont calmes, complètement immobiles, en attente. Soudain, l’une d’elles tressaille, doucement se soulève, gracieusement, mue par je ne sais quelle force intérieure. Alors, toutes se mettent en mouvement, comme entraînées par cette première impulsion, se redressent, retombent doucement, dans une grande chorégraphie de l’aléatoire. En retombant, elles viennent lentement frapper le laiton, l’une après l’autre, provoquant une résonance, un son qui, peu à peu, par accumulation, devient symphonie. D’où viennent ces impulsions ? Quel marionnettiste détermine le mouvement continu de ces bras de métal ? L’univers, tout simplement. 

Je suis devant une installation cinétique sonore du collectif berlinois Quadrature (Juliane Götz et Sebastian Neitsch) actuellement exposée à la galerie Liusa Wang. Ce sont ici les impulsions imperceptibles de l’infiniment grand où nous sommes plongés qui sont mises à notre portée.
Après leur  rencontre avec ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), un radiotélescope géant à l’affût des ondes millimétriques nous renseignant sur le milieu interstellaire, le duo intègre à sa pratique l’utilisation de données scientifiques pointues ; par leur vocabulaire plastique, ils créent un pont entre le cosmos et notre propre perception.

Sur un mur, trois grands monochromes gris, une nouvelle passerelle entre deux mondes. C’est de l’Observatoire européen austral, au Chili, que viennent les données structurant ces œuvres. Elles sont le fruit de l’étalonnage des télescopes de l’organisation intergouvernementale pour l’astronomie. Brutes, signifiantes bien que décontextualisées, ces données accèdent ici à un tout autre statut et, conservant en mémoire leur valeur première, se parent d’une portée esthétique nouvelle.

Trois monochromes, puis un escalier, quelques marches, une salle, une seconde, trois écrans, une multitude de sillages. Des milliers de satellites parcourent le ciel continuellement. Nous n’y accordons que peu d’importance, et pourtant ces innombrables danseurs jouent au-dessus de nos têtes un ballet cosmique endiablé. Ce sont ces sillages qui, dans l’installation vidéo Orbits Triptychon, se croisent et s’entrecroisent, se séparent et se retrouvent, forment et déforment, par simple nécessité gravitationnelle. 

Doucement, les sens de l’Univers nous sont partagés, l’essence de l’Univers nous est révélée, partiellement.

Grégoire Prangé
Image à la Une : Quadrature, Orbits Triptychon, 2017, installation vidéo sur trois écrans, 16 minutes. Crédits : Galerie Liusa Wang. 

Pour plus d'informations : Site de la galerie.
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