“MEA CULPA D’UN SCEPTIQUE” DOVE ALLOUCHE – FONDATION D’ENTREPRISE RICARD


« Je suis complice d’une erreur commise il y a vingt ans, d’une injustice qu’il faut avouer nettement et réparer ». Tels sont les mots d’Emile Cartailhac, éminent paléontologiste français, en sortant de la grotte d’Altamira en Espagne où il se fit spectateur du remarquable travail artistique des hommes préhistoriques. En 1902, Cartailhac reconnaît son erreur : en niant la beauté des sites préhistoriques, il a alors sali tout un pan de son histoire artistique.

L’esthétique rigoureusement composée de l’artiste parisien Dove Allouche, né en 1972, s’appuie sur les maux de Carthailac pour construire une exposition intrigante. Avec le titre « mea culpa d’un sceptique », il nous convie à une redécouverte de notre nature environnante, seule et unique à nous unir encore à nos ancêtres préhistoriques.

L’exposition Dove Allouche nous invite au voyage, à un voyage ou l’espace paraît étendu, non scandé par les cartels accrochés au mur. L’accrochage n’est pas immersif, les murs sont blancs, d’une couleur neutre, l’architecture ne s’invite pas protagoniste tout comme la muséographie n’efface pas le propos de l’artiste. Le spectateur est donc confronté directement aux œuvres, à la nette maîtrise plastique de Dove Allouche ainsi qu’à ses expériences quasi scientifiques.

 

Dove Allouche – détail de Sunflower_17, étain et argent pur sur papier Cibachrome. Courtesy Fondation d’entreprise Ricard

 

Dove Allouche – Sunflower_13, 2015, étain et argent pur sur papier Cibrachrome, 197 x 144 cm (encadré) – Courtesy Fondation d’entreprise Ricard

La plasticité des œuvres est séduisante. Minutie, tactilité et neutralité semblent être les maîtres-mots de l’exposition. En mêlant dessin et photographie, mais aussi encre et verre soufflé, Dove Allouche nous offre des expériences qui reflètent l’écoulement du temps, et qui font écho aux premières formes d’art pariétal. Ici, les œuvres, derrière une imposante vitre transparente, n’ont plus rien de préhistorique, mais elles livrent des bribes d’histoire, de temps oublié.

L’unité de l’œuvre de l’artiste est immédiatement perceptible. Le systématisme formel engendré par la technique semble impacter sur le thème général. En se référant à l’art pariétal, Dove Allouche flirte avec un nouvel art. La forme et la technique se mêlent pour créer un médium inconnu, qui évoque un nouvel espace, une nouvelle temporalité. Le spectateur, alors plongé dans les compositions organiques et minérales de l’artiste, se retrouve face à une esthétique familière mais étrangère à la fois. Si le sentiment d’une certaine curiosité amusée semble nous envahir devant les œuvres en étain intitulées Sunflowers, les photographies et dessins plus sombres semblent ancrer la pratique de l’artiste dans le domaine de la simple recherche documentaire ou scientifique. Mais il y a là bien plus. A travers les couleurs, on ressent les textures : l’argile de la série L’enfance de l’art semble se dévoiler dans toutes ses nuances, on ressent la capture du pigment d’hématite, et malgré la simplicité et la régularité du cadrage, l’œil se focalise sur l’expérience qu’offre le dessin. Le spectateur est, pas à pas, comme relié à la nature.

Les Pétrographies semblent évoquer l’écorce d’un arbre centenaire, malgré la noirceur du tirage argentique. On comprend que c’est là en fait une étude rapprochée d’une roche, faite en collaboration avec une chercheuse du laboratoire Terre et Histoire de la Vie de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, nommée Sophie Verheyden. Des curiosités microscopiques apparaissent, on perçoit des bulles sur les rainures des roches, comme une sorte de vie tranquille qui sommeille dans les parois des grottes anciennement occupées par nos ancêtres.

A travers son esthétique intrigante et exigeante, Dove Allouche réussit à créer un moment suspendu, mais aussi à modeler un nouveau terrain pour l’art, un art couvé par ses origines, fasciné par ces ancêtres et bien plus que simplement documentaire. Les œuvres honorent le titre de l’exposition, le mea culpa est tel, qu’il en devient fascinant.

Margaux Luchet
Image en tête : Dove Allouche - détail de Sunflower_17, 2015, étain et argent sur papier Cibachrome, 197 x 144 cm (encadré). Courtesy Fondation d'entreprise Ricard

DOVE ALLOUCHE
MEA CULPA D'UN SCEPTIQUE
FONDATION D'ENTREPRISE RICARD
Mardi 22 mars - Samedi 7 mai 2016
75008 PARIS
http://www.fondation-entreprise-ricard.com/
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