Le Souffle des Particules

Au sol, face contre terre, elle s’est effondrée,
Résignée. 

La lutte a été rude,
Angoissée,
Angoissante,
Un corps mis à mal,
Un esprit bouleversé. 

Il y avait quelque chose sous sa peau n’est-ce pas ?
Une violence nichée dans son abdomen ?
N’était-elle pas dévorée de l’intérieur ? 

Elle tenait à peine debout,
Vacillait
À droite
À gauche
S’effondrait sur le sol,
Se relevait
Se battait
Du bout des ongles s’arrachait
La peau,
Cherchait à s’extraire du mal qui la rongeait. 

Mais il était trop fort. 

Dans sa robe blanche,
Frappée de mille lumières,
Martyrisée dans sa chair,
Elle luttait à la mort. 

Elle est au sol maintenant, comme éteinte. 

Le calme a suivi la tempête.
Peut-être s’est-elle résignée ?
Ou bien a-t-elle été vaincue ? 

Et le souffle s’est tu. 

Et les lumières sont tombées. 

Ces particules de lumière qui sans cesse la frappaient. 

Elles sont retombées.
Ont suivi sa chute. 

Et le souffle s’est tu. 

Et le calme est revenu.
Elle est calme à présent. 

Tout est plus calme. 

Le souffle avait pénétré ma chair
À mesure qu’il consumait la sienne.
Un halètement terrifiant,
Elle soufflait
Soufflait
Souffrait,
Dans un rythme endiablé. 

Une saccade. 

Un soubresaut.
Et deux,
Et trois. 

Multiples secousses. 

Brutaux à-coups. 

Mais le souffle s’est tu. 

Devant ce corps inerte, je suis comme soulagé. Il y avait dans cette lutte quelque chose de dérangeant, de foncièrement perturbant. Ce corps, si terrifié qu’il semblait sur le point de sombrer dans la folie, menaçait ma propre quiétude. Je n’avais rien demandé, moi ! Je n’étais pas préparé. 

Alors, devant ce corps inerte, oserais-je l’avouer, je suis rassuré. La lutte est finie, l’angoisse est partie,
et même si l’inquiétude devrait me ronger,
Pour elle,
Pour elle,
Je suis en paix,
Pour moi. 

Regarde 

Je suis en paix… 

Regarde ! 

Sa main. 

Elle bouge. 

Sa main. 

Un doigt,

Puis deux,

Jouent sur le plancher. 

La lutte va reprendre. Elle reste allongée pour l’instant, balade ses doigts sur les lattes de bois, doucement, mais la lutte va reprendre. 

Elle frappe ! 

Ses doigts se baladent, plus vite, en rythme, ses doigts se baladent. 

Elle frappe ! 

Du plat de la main, brusquement, frappe le sol. 

Elle va se relever.

Elle s’est relevée. La lutte a repris, elle y met toute sa force, sa rage presque, tente de se libérer. 

Les particules sont revenues,
Et le souffle aussi ! 

Le souffle est revenu, qui pénètre la chair jusqu’à glacer les os. Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale, tout du long, de bas en haut, me fait frémir. Frémir pour moi, frémir pour elle. 

Elle semble reprendre le contrôle !  

Elle l’avait perdu, totalement, jusqu’à l’effondrement.
Mais là, face à son ombre, elle a cessé d’haleter.
Là, face à son ombre, a cessé de vaciller. 

Elle a apprivoisé la lumière. 

Elle joue avec. De ses mains déplace les particules. L’une après l’autre, toutes la suivent. 

Écoute ! 

Une voix s’est élevée. Ronde, puissante, rassurante. 

La voix l’a réveillée. 

Elle s’est élevée, la voix, et le corps a suivi, et je suis comme envoûté, elle est en vie ! 

C’est la terre qui s’est mise à chanter. 

Le son est sorti de ses profondeurs.

Et elle s’est libérée du mal qui la rongeait. 

Le souffle s’est apaisé, et elle aussi. Elle joue maintenant avec la lumière, danse la réconciliation. 

Et moi je sors de ma transe, tremblant. 

 . . .

Le souffle des particules est une performance mêlant danse contemporaine, arts numériques et musique live, co-écrite par Pétronille Leroux (artiste numérique, voix et scénographe multimédia) et Louise Soulié-Dubol (danseuse et chorégraphe), et jouée avec le concours de Cyril Adam (compositeur et interprète). Elle a été présentée au Musée national des arts asiatiques – Guimet en février 2020 (avec le soutien de Quelque Chose de Neuf), au Zénith de Paris La Villette, et à Toulouse pour le Traverse Vidéo Festival en mars 2020.