Jérôme Baccaglio – “En tonnes et en grammes”


Trente, c’est le nombre de dessins réalisés par l’artiste Jérôme Baccaglio pour sa première exposition institutionnelle dans le « Projet Space », espace dédié à la jeune création au Centre d’art contemporain de Genève.

Vue d'exposition. © Jeunes Critiques d'Art bis
Vue d’exposition En tonnes et en grammes. © Jeunes Critiques d’Art.

D’un format identique, ces dessins semblent être au prime abord de simples morceaux de papiers scotchés au mur, dont la vision saccadée crée une unicité visuelle et formelle. Cette nudité dans l’exposition interpelle, elle nous conduit à nous rapprocher du mur pour déceler la feuille, saisir l’interstice qui la sépare de son support mural. Après l’étonnement vient l’incompréhension face à ce qui est exposé. Cette position instable de notre ressenti va à rebours de la démarche de Jérôme Baccaglio qui tente, au contraire, de trouver un équilibre entre les différents motifs qui composent ses dessins.

© Jérôme Baccaglio

© Jérôme Baccaglio.

Il faut du temps, parfois, pour que l’œuvre prenne toute sa place dans notre regard, pour mettre de côté notre insatiable envie de toujours chercher un sens à ce qu’il nous est présenté. Là est, sans doute, la force des dessins de Jérôme Baccaglio. Il ne nous donne rien à comprendre mais tout à regarder. Voleur d’images, l’artiste capte dans cette multitude celles qu’il va fixer dans ses dessins. Il traduit avec son propre langage les images qui se sont exhibées en tonnes devant ses yeux, et modifie, à travers son filtre, leurs aspects. La représentation n’évince aucun thème et ne les hiérarchise pas : la figure humaine, bien distincte ou seulement discernable par son contour, se trouve sur le même plan qu’une typographie exagérée, une forme quelconque ou bien seulement une zone colorée délimitée. La précision qui en résulte est incroyable et cette méticulosité nous rappelle le travail du dessinateur qui, seul face à son support, guide par son envie sa main patiente et soumise.

Jérôme Baccaglio, Sans Titre (détail). © Jérôme Baccaglio 1
Jérôme Baccaglio, Sans Titre (détail). © Jérôme Baccaglio.

Observer le contenu ne doit pas nous faire oublier de considérer le contenant, et dans la pratique de l’artiste, le papier tient une place évidente. L’exposition des trente dessins sans cadre permet au visiteur de réellement considérer la surface sur laquelle le motif prend forme. La qualité des dessins diffère et impacte le rendu, certains sont très lisses, d’autres par leur grain spécifique laissent entrevoir la répétition d’un geste passager agissant sur la feuille qui, tremblante, se déforme sous son poids et agit de manière organique. Avec liberté, l’artiste sélectionne sur cette aire vierge l’espace où une masse, selon un équilibre inconstant, va être assemblée et confrontée à une autre. Comme dans une mélodie, la vision d’ensemble est ponctuée par les motifs des dessins sur lesquels notre vue s’arrête.

Jérôme Baccaglio, Sans Titre (détail). © Jérôme Baccaglio 5
Jérôme Baccaglio, Sans Titre (détail). © Jérôme Baccaglio.

Finalement, Jérôme Baccaglio nous rappelle ce qu’est un dessin, cet art humble qui représente par des moyens graphiques des objets, des idées, des sensations. Et que c’est beau.

Diane Der Markarian

 

 

Jérôme Baccaglio est né en 1983 aux Philippines et vit et travaille actuellement à Genève. En 2015 il obtient un Master en Arts Visuels à l’Ecal, en Suisse. Il a participé à des expositions à Ribordy (Genève), Circuit (Lausanne) et à la Fondation d’entreprise Ricard (Paris). Il a récemment présenté son travail à Artgenève 2018, du 1 au 4 février 2018.

Image à la une : Jérôme Baccaglio, Sans Titre (détail). © Jérôme Baccaglio.

Diane Der Markarian
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