Hanna Hasse Bergström, peindre la Nature


 

«Le style d’un peintre est dans cette conjonction de la nature et de l’histoire.» [1] Albert Camus

 

La jeune artiste suédoise Hanna Hasse Bergström a développé un style de peinture qui s’ancre dans l’histoire de l’appropriation et de l’exploitation de la nature par l’être humain en mettant l’accent sur la volonté d’honorer cette nature, mère de toute forme de vie. Son travail consiste en la récupération de crânes d’animaux, pour la plupart trouvés en forêt, qu’elle sculpte parfois, mais plus fréquemment qu’elle peint. On peut voir en ce moment quelques unes de ses œuvres à la galerie Animals Art Styles, au 46 rue du roi de Sicile dans le 4ème arrondissement de Paris.

Sur un fond uni d’une couleur douce et suave, elle appose des motifs géométriques et floraux, généralement au niveau de ce qui fut le front de l’animal. Ces rosaces, frises et autres palmettes se déclinent dans une harmonie tonale en accord avec la couleur donnée initialement au crâne. La peinture d’Hanna Hasse Bergström est minutieuse et détaillée, et rappelle les peintures totémiques, servant à honorer des divinités animales, ou encore les dessins réalisés par les hindoues sur le pas de leur porte, destinés à attirer les bons esprits dans leur maison. L’artiste parle d’ailleurs de ces crânes comme de “maisons abandonnées“[2] qu’elle transforme en autels pour honorer la vie passée, invitant les âmes animales à s’y loger. Il s’agit là de mettre en lumière le fonctionnement cyclique de la nature, qui donne et qui reprend. Ainsi, selon Bergström, “grandir dans la nature rend la mort vraiment plus naturelle. Elle est en effet partout dans la vie.” Mais cet équilibre et cette harmonie ne sont plus respectés par l’être humain depuis la grande industrialisation, qu’on pourrait définir comme un mode de production linéaire – et non plus cyclique – générant déchets et pollution. Le travail de l’artiste cherche justement à souligner cette contradiction qui fait vivre la modernité comme une consommation effrénée de la nature, sans jamais lui redonner de quoi la nourrir, la remercier.

Ce mode de vie purement individualiste, au sens où le but premier est le plaisir humain et personnel, et une accumulation de biens et de services, se trouve d’ailleurs être à l’origine de la création de Bergström. Elle raconte en effet qu’il y a quelques années, lors d’une promenade en forêt, elle se retrouva face à la carcasse d’un animal tué par des chasseurs. Si on peut penser que ces derniers emportent leurs proies, Bergström affirme qu’ils “traitent les carcasses comme de vieux déchets qu’ils abandonnent où ils sont“. Devant ce triste spectacle, l’artiste raconte avoir été à la fois horrifiée et enchantée par la beauté du crâne de cet “être majestueux“. Elle l’emporta avec elle, et ainsi commença son travail de peintures sur crânes. Léonard de Vinci recommandait : “Va prendre tes leçons dans la Nature“. L’artiste semble prendre au pied de la lettre l’injonction du génie de la peinture en calquant sa démarche sur le cycle de la nature, soit en redonnant une nouvelle vie à ses fragments d’êtres passés.

Bergström raconte également ressentir une grande sérénité en peignant ces crânes. Pourrait-on se surprendre à rêver que ce sont les âmes des animaux qui la remercient de son amour et de ses hommages?

 

«Notre âme est une source errante

Qui, dans son onde transparente,

S’empreint de la couleur des lieux ;

De la nature elle est l’image :

Tantôt sombre comme un nuage,

Tantôt pure comme les cieux ! »[3]

Alphonse de Lamartine

 

 

Irène Cavallaro

[1] Albert Camus, L’homme révolté, 1951

[2] Entretien de l’artiste sur https://mrmondialisation.org/

[3] Alphonse de Lamartine, Épîtres, “A M. Victor Hugo”, 1825

 

 

Image à la une : Eivor, Hanna Hasse Bergström, courtesy de l’artiste

Visuels : courtesy de l’artiste

Le site de l’artiste :

http://hannahasse.com

Irène Cavallaro
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